Voici une bien triste nouvelle que celle-ci. Hector Zazou est mort le 8 septembre 2008 à Paris, dans sa soixantième année. Né en Algérie, Hector Zazou mariait avec talent musiques actuelles et musiques du monde. Il laisse une quizaine d'albums dont le dernier doit paraître dans quelques jours (le 6 octobre), "In The House Of Mirrors".
" In The House Of Mirrors", enregistré en Inde, scellera ainsi la trajectoire nomade d'un compositeur influent mais demeuré en marge de toutes classifications. Ce savant fou, dont les pièces montées frappaient et déroutaient, sera tant regretté par des chanteuses audacieuses comme Björk ou la Suissesse Laurence Revey (dont il a réalisé Le Creux des Fées) que par des figures de la world music tels Peter Gabriel, Brian Eno, John Cale, Manu Dibango, Lisa Gerrard, Ryuichi Sakamoto, David Sylvian, Asia Argento ou le Congolais Bony Bikaye avec lequel il signa en 1983 Noir et Blanc, œuvre-jalon de la fusion afro-électronique. Même les acteurs Gérard Depardieu et Richard Bohringer, que Zazou a fait chanter en 1992 pour un hommage à Arthur Rimbaud (Sahara Blue) devraient pleurer ce créateur insatiable. Zazou savait embrasser dans des souffles toxiques traditions et expérimentations, en traqueur de mélodies, de tons et de climats aux flux et reflux subtils.
En 1976, sous le nom de ZNR (Hector Zazou au violon et claviers et Joseph Racaille) sort l'album "Barricades", un disque bizarroïde aux influences diverses: la musique de chambre, le krautrock, le piano d'Erik Satie. De l'avant-garde cérébrale. Ils sortiront une seconde plaque au titre léger "Traité de Mécanique Populaire". Son premier album solo sort en 1979 "La Perversita", de la musique érotique (sic!).Sa production sera abondante (plus de 20 disques) et éclectique. Hector n'a cessé de surprendre à chaque nouvelle oeuvre. "Noir et Blanc", en 1983, pose les jalons de la fusion afro-électronique. En 1991, il est lauréat aux Victoires de la Musique pour le CD "Les Nouvelles Polyphonies Corses". Ce disque signait la rencontre entre les chants corses a capella et des musiciens tels que John Cale, Manu Dibango et Ryuichi Sakamoto. En 1992, il produit "Sahara Blue", un hommage à Arthur Rimbaud sur lequel on retrouve Gerard Depardieu, Khaled ou Tim Simenon.Son approche novatrice lui vaudra le respect des musiciens les plus influents de cette fin du vingtième siècle. "Chansons des Mers Froides" le verra collaborer avec Björk (elle chantera en islandais pour l'occasion), Suzanne Vega, Siouxsie, Jane Siberry, Värtinna + quelques incantations de chanteurs Inuits ou Shamans.Son dernier album, plus electro/rock, "Corps électriques", avec notamment Nils Petter Molvaer à la trompette, est sorti en ce début d'année 2008. Crammed Discs devait sortir "In the House of Mirrors" enregistré à Bombay avec des instrumentalistes indiens et ousbèques, en octobre. La maladie l'a emporté de l'autre côté du miroir.
From 'Songs From the Cold Seas'. "Visur Vatnsenda-Rosu" with Bjork
Du rock impressionniste de ses débuts avec Joseph Racaille au sein de ZNR à son défrichage pionnier des traditions africaines au début des années 80, de l'exploration des musiques ancestrales de l'hémisphère Nord aux chants séculaires celtes, tibétains ou corses (Les nouvelles polyphonies corses, sacré aux Victoires de la musique 1992 grâce à la rencontre entre vocalises de l'île méditerranéenne et de musiciens actuels comme Ryuichi Sakamoto ou John Cale), de l'électro aux dissonances électriques, ses productions continueront d'illustrer une quête de textures novatrices.
Zazou a cherché aussi bien les mariages déraisonnables que les unions fusionnelles. De grands écarts qui ont participé à la notoriété internationale du natif de Sidi bel Abbès en Algérie. Strong Currents, album inouï paru il y a quatre ans, constitue un exemple emblématique de son travail sur les voix sidérales. Ce miroir langoureux du culte Chansons des mers froides (avec Björk et Suzanne Vega, 1994) réunissait les chants capiteux et méconnaissables de Laurie Anderson ou Jane Birkin.
Explorateur fasciné des musiques du monde, pionnier des expérimentations électroniques, amoureux des voix féminines et des quatuors à cordes, arrangeur délicat et amateur de rock étrange, Hector Zazou n'a cessé de surprendre à chaque nouvel album, naviguant entre les genres pour créer les mélanges les plus subtils.
Il fait partie de ces musiciens dont on ne sait plus s’ils pensent ou jouent le plus. "Ce qui m’intéresse, c’est le son même. Le moment où j’enregistre n’est pas le moment qui m’intéresse le plus", nous avait-il confié. Moyennant quoi, il joue de tous les instruments : "S’il faut souffler dans un truc pour produire un son, je veux bien le faire. Mais si j’enregistre une partie de guitare, je vais passer plus de temps à la travailler ensuite." Mais il parvient à devenir virtuose – un des meilleurs – d’un instrument que l’on utilise en général pour ses vertus d’habillage sonore, le theremin. "De temps en temps, j’en joue bien ; de temps en temps, j’en joue très mal. La machine elle-même a ses caprices…"
Avec Hector Zazou, on ne sait pas si c’est le premier des postmodernes ou le dernier des hommes de la Renaissance qui a disparu le 8 septembre. Touche-à-tout et avant-gardiste, élitaire et populaire, généreux et retenu, savant et instinctif, il laisse une œuvre singulière, rare, diverse, contrastée, une œuvre sur laquelle il est difficile de tracer des lignes de force et de cohérence, tant il a exploré de lieux variés dans les musiques populaires du XXe siècle. Le voyage de ce grand nomade des musiques aurait pu continuer à l’infini. La vie en a décidé autrement. Nous avons perdu un musicien unique au monde
Lors de la cérémonie funéraire, il y eut un instant magique et bouleversant. Sa dernière campagne, une jeune chanteuse, Lidwine de Royer, entonna a capella, d’une voix pure et aérienne, une des chansons favorites d’Hector, « The river of no return », jadis fredonnée par Marilyn Monroe dans le film du même nom, « La rivière sans retour ».
Les Anglais ont Peter Gabriel, les Américains David Byrne, les Français Hector Zazou", écrivit un jour Jean François Bizot. Une phrase souvent reprise dans les bios de Zazou, de même que cette citation d’Hector lui-même : « A quoi sert la musique, si ce n’est à changer le monde ? ».
http://www.musicoperator.com/
http://www.takticmusic.com/artistes/zazou/zazou_frames.html
http://www.crammed.be/news/index.htm
Hector Zazou: discographie
ZNR (Zazou-Racaille): Barricades 3 (RCA, 1976)ZNR (Zazou-Racaille): Traité de Mécanique Populaire (Invisible, 1978)Hector Zazou: La Perversita (Scopa,1979)Hector Zazou/Papa Wemba: Malimba (maxi Crammed, 1982)Zazou/Bikaye:Noir & Blanc (Crammed, 1983)Hector Zazou: Géographies (Crammed, 1985)Zazou/Bikaye: Mr Manager (Crammed, 1985)Hector Zazou: Reivax au BongoHYPERLINK "../../mtm/mtm.htm" \l "mtm2" (Crammed, 1986)W/ Ray Lema, Bony Bikaye, Kanda Bongo Zazou/Bikaye: Guilty (Crammed, 1988)Hector Zazou: Géologies (Crammed, 1988)Hector Zazou & Les Nouvelles Polyphonies Corses"(Universal, 1991)Hector Zazou : Sahara Blue (Crammed, 1992), w/Ryuichi Sakamoto, Gérard Depardieu, John Cale, Tim Simenon, Bill Laswell, Khaled etcHector Zazou : Songs From The Cold Seas (Sony, 1995) w/Björk, Suzanne Vega, Siouxsie etcHector Zazou & Harold Budd : Glyph (Crammed, 1995)Barbara Gogan & Hector Zazou: Made On Earth (Crammed, 1997)Hector Zazou: Lights In The Dark (Warner, 1998)Hector Zazou & Sandy Dillon: 12 (Las Vegas Is Cursed) (Crammed, 2001)Hector Zazou: Strong Currents (Materiali Sonori, 2003) w/Laurie Anderson, Lisa Germano, Jane Birkin etcHector Zazou & Bernard Caillaud: Quadri{+}Chromies (Taktic Music/Materiali Sonori, 2006)Hector Zazou : Corps Electriques (Signature/Radio France, 2008) w/Katie Jane Garside, Nils Petter Molvaer etc