mercredi 12 décembre 2007

Sally Nyolo, "Mémoire du monde": mama zap



Zap Mama est un nom qui résonne encore avec une sonorité particulière aux oreilles de Sally Nyolo. De la fin de l’année 1992 à Noël 1996, la chanteuse camerounaise a fait partie de la bande de filles emmenée par Marie Daulne dans une aventure a cappella dont le succès fut considérable. Leurs routes se sont séparées mais, une décennie plus tard, les relations entre elles existent toujours. “Quand je vais à Bruxelles et que j’ai un moment, je vais boire le thé chez l’une ou chez l’autre. Même contractuellement, nous sommes encore liées, si Marie veut faire de l’a cappella”, sourit Sally, qui rappelle aussi que Sylvie Nawasadio, une autre ex-Zap, participe à chacun de ses disques. “Elle y tient et moi aussi.” .Elles sont nées en Afrique mais ont grandi en Europe. Elles se sont toutes deux faites remarquer en donnant à leurs voix les rôles principaux. Liées aussi par quelques années passées ensemble sur scène, Zap Mama et Sally Nyolo reviennent dans l’actualité avec leurs albums respectivement intitulés Supermoon et Mémoire du monde.


"Mémoire du monde", le nouvel album de Sally, ne déroge pas à la règle. Son complice Sylvin Marc, à ses côtés dès ses débuts en solo, est bien sûr de la partie. “C’est un musicien qui m’a beaucoup apporté dans le regard que je devais avoir sur ma musique, à accepter mon côté simple, ludique”, reconnaît-elle. Sideman réputé de la scène jazz world depuis une trentaine d’années, le bassiste et guitariste malgache a trouvé dans le bikutsi camerounais un cousin du salegy de la Grande Île. Sally en est persuadé : “Son background l’a toujours aidé à me servir dans ma musique. C’est le même rythme 6/8, décliné à peine différemment.”
Sally Nyolo est originaire du Sud du Cameroun, plus précisément dans le département de la Lekié, en pays Eton . Après avoir quitté son pays natal à l’âge de 13 ans pour s’installer à Paris, SALLY NYOLO à débuté son expérience professionnelle en qualité de choriste pour de nombreux artistes comme Jacques Higelin, Sixun, Touré Kunda, Princess Erika et bien d’autres... Mais SALLY compose déjà et entame parallèlement sa carrière solo en 91, monte son groupe en 93 et se retrouve la même année invitée au prestigieux festival de World music lancé par Peter Gabriel, le Womad. L’année suivante elle enregistre sur son label « Real World » un premier album 4 titres qui officialise ses débuts d’auteur-compositeur et lance définitivement sa carrière. S’en suit d’incroyables rencontres ponctuées de distinctions prestigieuses, de l’expérience Zap Mama au prix Découverte de Radio France Internationale en 97, du prix de la meilleure artiste francophone pour son travail sans concessions reçu en 2000 au Canada à la création en 2005 de sa propre société de production « Tribal Production », projet mûri personnellement dans le but de participer activement au développement de la scène musicale camerounaise.


Zap Mama - Brrrlak

Pour son cinquième album en son nom, la chanteuse s’est rendue dans son pays natal, une fois ses chansons écrites. Un rêve qu’elle caressait depuis longtemps et qui était devenu réalisable depuis qu’elle a ouvert en 2005 son propre studio, installé sur les hauteurs de Yaoundé, avec l’intention d’en faire une passerelle pour favoriser les échanges entre instrumentistes du Cameroun et du monde occidental. Après y avoir enregistré Studio Cameroon, une compilation d’artistes locaux sortie l’an dernier, elle est revenue pour “capter sur place ces essences qui n’ont plus le même son quand elles voyagent” : des balafons, des guitares, des percussions. Sur ces fondations bikutsi d’appellation contrôlée, elle a placé des textes qui font une place de plus en plus grande au français, autre évolution majeure de Mémoire du monde. “J’aurais pu les traduire en eton et les chanter avec les mêmes orchestrations”, explique-t-elle. “Mais j’ai voulu les faire sonner dans cette langue que j’adore : depuis très longtemps, je rêve en français.” Difficile de lutter contre son subconscient.
Cet album de Sally , "Mémoire du monde", est une création électro -acoustique lumineuse et profonde, où le 6/8, rythme légendaire du bitkutsi, rencontre des paroles en français. Enregistré au Cameroun, puis en France, la mémoire du monde s'y conjugue d'une langue à l'autre, inventant une nouvelle façon de chanter la ritournelle. Au -delà du bikutsi le plus pur, il s'en dégage des effluves de blues et de reggae, distillés dans des chansons qui racontent des moments de vie.
Le disque est écrit, produit et réalisé par Sally Nyolo, certains titres en collaboration avec Michel Aimé, Marc Etienne et toujours Sylvain Marc. On y retrouve sa complice de toujours, l'ex-Zap Mama, Sylvie Nawasadio, ainsi que les Pygmées Bokué.


Zap MaMa-Abadou


J'avais rencontré Sally, il y a quelques années et je me souviens d'abord de son rire et de sa tchatche, elle est un concentré de bonne humeur, de joie de vivre. Je garde d'elle quelques belles images, de jolies tournures de phrases et cette façon de porter le rire sur des rythmes d'une grande souplesse. "La musique fait partie intégrante du dialogue de tous les jours pour les habitants de la région de la Lékié. Cette culture des rythmes et des chants vit au milieu de la nature, et la musique de Sally Nyolo sait restituer cette promiscuité, ce bonheur des éléments que retrouve les voix. "Je suis française aujourd'hui, je suis heureuse d'être française, c'est une langue que j'ai apprise depuis le Cameroun. Et quand je suis arrivée en France, ma vie à changé, et j'étais heureuse de ce changement. Oui, j'ai envie de faire connaître une autre partie de moi, l'autre partie, la racine que je suis, et en même temps je voulais être sincère. Une chose, il faut la donner avec tout son emballage, son dedans, son dehors, tout ce qu'elle comporte. Il m'était très difficile de chanter dans une autre langue qu'en eton, car cette langue c'est aussi le rythme bikutsi".
"Chez moi, la forêt tropicale est là bien présente, bambou, hévéa, acajou, teck, ébène, la nature fournit le bois pour les instruments, des petits hochets que l'on frappe, ou encore des bambous que l'on coupe en deux dans le sens de la longueur. Tout le monde n'a pas le téléphone, mais aujourd'hui encore tout le monde a un tambour de bois devant sa maison, puisque c'est le moyen de communication dans la forêt. Tout le monde parle ce langage du tambour du bois et on s'en sert tous les jours pour communiquer. On va dire : tiens aujourd'hui il fait beau, donc j'ai besoin de personnes pour m'aider, ou alors pour dire que l'on va faire une fête, ou alors, ou alors..."

L’essence de la forêt, vient de trouver une nouvelle ambassadrice avec des sonorités épurées d'où se dégage une poésie parfois mélancolique, jamais fade


Sally Nyolo "Mémoire du monde" (Cantos/Pias) 2007

http://www.myspace.com/sallynyolo

Marie Daulne, la zapette de Zap Mama



Née au Congo mais élevée en Belgique, Zap Mama, de son vrai nom Marie Daulne, entame une carrière qui l'emmène sur tous les continents. Elle attire des milliers de fans en présentant au public son héritage musical, fusion de cultures musicales, grâce au merveilleux dynamisme de sa voix, sa musique et ses dons d'interprète. "Supermoon" est un mélange attachant de musiques world, soul, pop et jazz et bien d'autres nuances subtiles où l'on trouve à ses côtés de nombreux invités venus des quatre coins du monde : batteur Tony Allen, bassistes Meshell Ndegeocello et Will Lee, guitaristes David Gilmore de Pink Floyd et Michael Franti de Spearhead , pianistes Leon Pendarvis, Daniel Freiberg et Robbie Kondor, percussionniste Bashiri Johnson, Arno en passage-éclair sur "Toma taboo"... Et un touchant ovni musical, "Princess Kesia", morceau féérique et aventureux où gravite le choeur des Jeunes de la Monnaie. C'est sans doute l'album de Zap Mama le plus émotionnellement honnête, le plus intime de toute sa discographie.
Seize ans déjà qu'elle tourne, Zap Mama alias l'artiste belgo-congolaise Marie Daulne. Et elle n'est pas près de s'arrêter, sans pour autant jamais garder la même orbite musicale, si l'on en croit ce dynamique "Supermoon".

Au Zaïre, des conflits perdurèrent bien après l’Indépendance (1960). En 1964, une semaine après que la petite Marie vit le jour, son père, Cyrille Daulne, fut abattu par des militants qui chassaient les Belges du pays. Sa mère, recherchée pour avoir épousé un Blanc, cacha trois de ses cinq enfants chez les Pygmées. Quelques mois plus tard, elle traversait de nouveau la brousse à pied, avec Marie serrée sur son dos à l’aide d’un pagne, reprenait sa nombreuse marmaille et partait s’exiler en Belgique.
Au début des années quatre-vingt-dix, notre Zap Mama prendra l’avion et reviendra au pays des petits hommes, à l’orée de l’imposante forêt. Avec eux, au clair de lune, elle chantera ces délicates architectures vocales, où l’ego n’a pas de place. Le chant, vécu comme un art communautaire avant tout, restera la philosophie fondatrice de Zap Mama. Marie Daulne ne s’est jamais enfermée dans un style ou une discipline. L’amazone a plus d’une corde à l’arc de son talent. Chanteuse, compositrice, mais aussi danseuse et costumière, elle se passionne pour toutes sortes de musiques. Avec elle, le yodel, technique pour passer d’une voix de tête à une voix de poitrine, utilisée par les Pygmées (mais aussi par les montagnards suisses et tyroliens), s’amourache d’une basse slappée funky ou d’une pulsation latino.
Apparaître, puis disparaître. Comme la lune. Dans le cycle de cet astre qu’elle aime à regarder, Marie Daulne voit les étapes successives que traverse l’être humain en général, l’artiste en particulier. L’inspiration va et vient. “On a besoin par moment d’être dans l’ombre, de se cacher, puis de réapparaître. J’ai remarqué que ma carrière fonctionnait sur ce mode”, observe la chanteuse de Zap Mama, le groupe auquel elle a donné vie il y a dix-sept ans.




L’expérience américaine, ces trois années passées aux Etats-Unis qui avaient débouché sur Ancestry in Progress en 2004, l’ont amené à un constat : “Après avoir fréquenté beaucoup de célébrités, je me suis dit que je n’étais pas une superstar”, affirme-t-elle. Elle préfère se voir en "supermoon", une super lune. La nuance ? “Ne pas être esclave d’un système où il faut répondre à une demande, se trahir pour pouvoir vendre ou être dans le coup. Etre vraie.” De ce néologisme, elle a fait le nom de son sixième album.
Pour la première fois, elle en a trouvé le titre avant même d’avoir le contenu. L’idée de départ lui a servi de philosophie tout au long des deux années de travail qu’a nécessitées Supermoon, enregistré pour l’essentiel outre-Atlantique, entre New York et San Francisco. Alors que son précédent disque était marqué par la soul et le rap, cette fois Marie Daulne semble se situer à équidistance des points cardinaux qu’indique sa boussole musicale : ses racines africaines, son goût pour la musique noire américaine mais aussi ses attaches européennes. C´est de la Musique du Monde, avec deux M majuscules !



Zap Mama Supermoon (Heads Up/Universal jazz) 2007


http://www.zapmama.be/
http://www.myspace.com/zapmama