dimanche 15 juin 2008

Le son de demain de la semaine s’appelle MGMT



Ce qui est formidable dans le rock (qu'il soit des années 2000 ou de toute autre décennie), c'est qu'il y aura toujours une bande de gamins plus malins que les autres se réunissant dans leur garage pour cracher leur dégoût de la société, de l'ordre, de l'éducation, de leurs contemporains lobotomisés et qui sur ce terreau de frustration et de rejet vont faire jaillir un disque surpuissant qui va éblouir le monde entier. C'est là qu'arrivent les MGMT.
Sur leur pochette comme dans leurs clips, les deux MGMT ont des looks pas pensables, ils semblent appartenir à une espèce de communauté hippie attardée, ils ont l'air, malgré leur très jeune âge, d'avoir déjà consommé des quantités totalement déraisonnables de stupéfiants. Ah oui et ce sont eux deux qui ont entièrement de A à Z écrit, composé et interprété (voix, instruments) cet espèce d'OVNI musical pop-rock-électro-psychédélique.
Calmons tout le monde tout de suite néanmoins : « Oracular spectacular » n'est pas le chef-d'œuvre du siècle. Il est franchement inégal par moments, il y a un ou deux morceaux vraiment en dessous. Bref tout n'est pas réussi dedans. Seulement ce qui l'est, l'est dans des proportions stupéfiantes. Suffit de jeter une oreille sur l'invraisemblable single « Time to pretend ». Tout y est : des paroles parfaites (un hymne à la jeunesse comme on n'en avait plus entendu depuis... on ne sait même plus en fait), une rythmique énorme, mélange de guitare, de batterie et de sons électroniques, des voix superposées, une mélodie assez extraordinaire, un refrain qui tue, et une attitude de branleurs géniaux qui fait oublier à peu près tout ce qui se fait aujourd'hui. A ce jour, « Time to pretend » est de loin le meilleur single rock de l'année 2008, et m'est avis que ça va pas être facile de faire mieux.

MGMT - Time To Pretend (live at Later...)
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Mais on n'est pas encore au bout de nos peines. Derrière il y a un second single quasiment aussi parfait, le monstrueux « Kids ». Il y a le psychédélique « Weekend wars », le sensuel « The youth », un extraordinaire pastiche des Stones de la fin des années 70, « Electric feel », il y a le génial « Of moons, birds & monters » et son final instrumental planant. Tout du long le son est énorme, profond. La première écoute peut dérouter un poil : sur la lancée des deux singles, on s'attend à un album très rythmé, hyper entraînant, or la plupart des autres morceaux sont lents. Il faut donc plusieurs écoutes pour se laisser porter par ces titres qui prennent le temps de s'installer, de planter une ambiance, de monter en crescendo. Parce que oui, contrairement à l'énorme majorité de leurs contemporains donc, les MGMT sont de redoutables compositeurs de chansons (un truc comme « Time to pretend », fallait le sortir...).

Aussi, surtout allais-je dire (c'est là autant que sur les chansons qu'ils font vraiment la différence), comme tous les grands groupes de l'histoire du rock, les MGMT proposent un univers, un univers qui leur est totalement propre, et ça c'est fascinant. Non, encore une fois, ce disque n'est pas totalement génial, non il ne marquera peut-être pas définitivement l'histoire de la musique moderne. Néanmoins ce disque est addictif (quand il entre dans votre platine, plus moyen de l'en faire sortir), ce disque est puissant, ce disque vous donne envie d'exploser de rire quand on vous dit que les Libertines sont un groupe majeur. Et plus que tout, ce disque est vivant. Les MGMT sont d'aujourd'hui. Dans un an on les aura peut-être oubliés. Mais c'est ça aussi le rock. Le rock c'est la jouissance de l'instant, peu importe ce qui arrivera demain. De toute façon demain c'est loin comme disait l'autre. Les MGMT sont là aujourd'hui, pour éblouir le monde...

MGMT "Kids"
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MGMT, c'est un peu un condensé de ce qui se fait de plus audacieux en pop/rock/folk ces temps-ci. Porté par des échappées belles en pleine nature servies par une production ample et irréprochable, le premier album d'Andrew Vanwyngarden et Ben Goldwasser laisse pantois tant il parvient à brasser une diversité musicale impresionnante, évoquant autant Arcade Fire que The Klaxons, comme si Animal Collective avait décidé d'envahir les dance-floors. Parfois déroutante, la galette n'en demeure pas moins étonnante et inventive, flirtant aussi bien avec la pop planante et dansante (en témoigne le single Time to pretend, dont le clip laisse libre cours aux songes les plus irréels), qu'avec les "fausses" ballades magnifiquement orchestrées (écoutez plutôt 4th Dimensional Transition, qui porte bien son nom). Voilà une oeuvre qui, si elle n'est pas révolutionnaire, nous fait tout au moins continuer à penser que la musique populaire ne rime pas forcément avec formatage. Poétique et salutaire!



Les MGMT seront-ils capables de renouveler pareil exploit ? Car il faut aussi l'avouer, on distingue dans ce Cd quelques influences, quelques tics d'écriture, quelques arrangements que l'on trouvait chez les Bee Gees, Chic, Abba, les Pet Shop Boys, artistes certes talentueux, mais dont la simple évocation sur un dossier de presse suffit à plomber une carrière. Ou bien les MGMT donneront dans l'expérimental branché, dansant et foireux (la fin du Cd). Ou bien ils ne seront même pas foutus de sortir d'autre disque.
Alors voilà, on échappera difficilement à MGMT dans les mois à venir. Ils bénéficient de la puissance d’une major, écrivent des textes décalés (« Let’s make some music, make some money, find some models for life / I’ll move to Paris, shoot some heroin and fuck with the stars »), travaillent un look « nu-rave not dead », soignent leur caution indé (ils tournent avec Of Montreal et Yeasayer) et sont de la dernière net-mode avec leurs clips interactifs : bref, ce n’est plus du management, mais du marketing bien roulé. On peut difficilement en vouloir à MGMT à propos de leur soit-disant "je m’en foutisme" politique, ce serait un peu comme en vouloir à, disons, Tony Parker de ne pas fustiger la politique étrangère de Bush après chaque panier. Signe (syndrome ?) de l’époque, ce retour au son sirupeux et complaisant des 70’s est finalement une régression assez proche de Justice defendant un mix du pire des années 80, en totale déconnexion avec la dureté des temps (la derive Sarkozy pour les uns ; le bellicisme des Etats-Unis pour les autres).

MGMT - Electric Feel
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Album : MGMT - Oracular Spectacular - (Columbia)



http://www.myspace.com/mgmt
http://www.whoismgmt.com/

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